vendredi 21 juin 2024

Comme la gauche sait qu'elle va perdre, elle promet n'importe quoi.

En juin 2024, suite à la "victoire" du RN aux élections européennes, Emmanuel Macron dissout l'Assemblée Nationale et organise des élections législatives anticipées. Comme le RN est annoncé vainqueur dans les sondages, divers partis de gauche se rassemblent et forment le "Nouveau Front Populaire".

Les bipèdes ailés sont des esprits libres et donc ne donnent pas de consigne de vote. Au lieu de cela, nous proposons une analyse de la situation de l'actualité électorale immédiate, et après cela nous donnerons notre position politique, justifiée rationnellement. Nous espérons que cet humble texte pourra éclairer les lecteurs et vivifier un peu leur agir politique.

1. Contexte politique de la "gauche unie"

1.1 La traitrise, une tradition dans l'union de la gauche

Pour tout individu ayant de la culture politique française et des convictions d'égalité et de justice sociale, les termes "union de la gauche" lui hérissent le poil de répulsion. Nous en avons connu trois exemples dans le dernier demi-siècle qui devraient nous avoir vacciné définitivement si nous avions quelques notions d'histoire.

1° François Mitterrand. Alors chef du Parti Socialiste (PS), lors de son élection à la présidence de la république, soutenue au second tour par un Parti Communiste Français (PCF) puissant (15% au premier tour), tous les naïfs pensaient que "ça y est, avec Mitterrand au pouvoir, on va enfin détruire le capitalisme". Mais déjà enfermé dans le carcan de l'Union Européenne (UE), le gouvernement de Mitterrand (incluant Jacques Delors, un libéral européiste ministre des finances) sera l'artisan du "tournant de la rigueur", dont une des causes essentielles, déjà, était l'appartenance de la France au Système monétaire européen. Ensuite, Michel Rocard continuera cette opération de destruction des conquêtes sociales en attaquant les réformes du Conseil National de la Résistance mises en place quelques années après la Libération par les communistes et les syndicalistes de la CGT (lire les livres de Bernard Friot pour plus de renseignements sur cette période).
N'oublions pas que Jean-Luc "Mélangeons" est un ardent miterrandien encore aujourd'hui.

2° Lionel Jospin, premier ministre sous Chirac, régime de cohabitation après la dissolution de l'Assemblée nationale par Chirac. On a donc ici un scénario très semblable à ce que promet le Nouveau Front Populaire (NFP) aujourd'hui. Pour défendre son bilan, les militants du Parti Socialiste (PS) réfutent souvent que "oui, mais les 35h". Nous nous contenterons ici de citer Martine Aubry, la principale artisane de cette arnaque du PS :

"Nous avions profité de la loi sur les 35h pour offrir aux entreprises de nouvelles baisses de charges.
[...]
Nous avons posé un principe : la réduction du temps de travail devait se faire sans augmentation des coûts salariaux. Ainsi, l'accroissement mécanique du coût horaire du travail (compte tenu du maintien des salaires) devait être financé peu ou prou en trois tiers : un tiers de gains de productivité, un tiers d'aides, un tiers de modération salariale. Cet objectif a été tenu, avec toutefois des gains de productivité un peu supérieurs et une modération salariale inférieure, les aides représentant bien le tiers de la compensation des coûts horaires. Les 35 heures n'ont donc pas eu d'impact négatif sur les coûts salariaux. Les coûts salariaux ont baissé de 10 % entre 1996 et 2002, grâce aux allégements de charges et aux gains de productivité."

Les 35h n'ont donc pas coûté un centime au capital, et ont continué de participer au vidage des caisses de cotisations sociales et donc à la casse du service public. On peut dire que les 35h ont servi à baisser le salaire socialisé.
Mais surtout, il faut rappeler que Lionel Jospin a privatisé plus que la droite n'aurait jamais osé le faire ! Tels furent France Telecom, Thomson Multimédia, le GAN, le CIC, les AGF, Société marseillaise de crédit, RMC, Air France, Crédit lyonnais, Eramet, Aérospatiale-Matra, EADS Banque Hervet.

3° François Hollande. On peut aussi parler d'union de la gauche ici, car les formations de gauches les plus représentatives électoralement (surtout Mélenchon) ont appelé à voter Hollande au second tour des présidentielles, tout comme Mitterrand en 1981.
Sans même mentionner la loi Travail, il suffit de mentionner que le monstre macronnien qui nous gouverne depuis plus de sept années est issu du gouvernement qui dirigeait la France sous la présidence de Hollande (il en fut le ministre des finances), et que sa politique est dans la plus stricte continuité de ce qu'a initié la présidence de Hollande.

En résumé, on peut citer Franck Lepage, ironisant sur la langue de bois : "on ne dit plus un nain, on dit une personne de petite taille. Pareil, on ne dit plus un socialiste, on dit une personne de petite conviction."

Il est par ailleurs très ironique de constater que François Hollande lui-même se présente comme candidat du NFP. Il fallait l'oser !!


1.2 Prétendre combattre ce dont ils sont historiquement la cause

La gauche libérale libertaire d'aujourd'hui se présente, tout comme Macron depuis une petite décennie, comme le barrage contre l'extrême droite. Mais il ne faut pas oublier que cette gauche capitaliste est le principal artisan du succès de l'extrême droite depuis plus d'une trentaine d'années. Commençons par mentionner que François Mitterrand, le roi des rats opportunistes, a milité à l'Action Française dans les années 30, a participé activement au régime de Pétain pendant l'occupation ; lorsque le vent avait tourné et soufflait vers la gauche, en bonne girouette il s'est revendiqué plus révolutionnaire que les plus communistes des communistes, ce qui a fini par l'amener au pouvoir. C'est pendant les deux mandats de Mitterrand que le Parti Communiste Français s'est "rénové" ; c'est la période où Robert Hue (macronniste aujourd'hui) dirige ce parti et lui fait renier absolument tous ses principes. À l'issue des mandats de Mitterrand, la gauche (PS comme PCF) a totalement abandonné le prolétariat, qui, par rage et protestation, commence à se diriger vers l'extrême droite.
On attribue aussi à Mitterrand la tactique de favoriser l'extrême droite pour déstabiliser la droite dite "républicaine" en instituant le scrutin proportionnel en 1986.

Pour continuer, toutes les casses sociales dont la gauche gouvernementale est responsable (la prétendue "deuxième gauche" que Jean-Pierre Garnier appelle très justement "la deuxième droite"), ont largement contribué à ce que le prolétariat perde confiance en la gauche et se laisse séduire par la démagogie de l'extrême droite.

Le PCF porte également une grande responsabilité en ayant renié tous ses principes, et en ayant détruit toutes ses écoles de formation au marxisme par lesquelles ce parti était capable de former des ouvriers quasiment illettrées jusqu'à un haut degré de culture ; des cours de philosophie, d'histoire, de littérature, de droit, etc., étaient organisés par le parti et ont permis d'emmener des ouvriers à des postes de ministres. On peut citer le cas emblêmatique d'Ambroise Croizat, ouvrier métallurgiste, militant de la CGT, qui fut ministre communiste du travail et qui fut le nom auquel on associe en 1946 l'abrogation de l'abattement systématique de 10% du salaire des femmes, ainsi que l'unification de la Sécurité Sociale et donc la grande amélioration du système de santé à la française qui fut un des meilleurs du monde jusqu'à l'introduction récente des logiques de privatisation (de même, lire les ouvrages de Bernard Friot pour se renseigner sur cette période).

"Sans théorie révolutionnaire, pas de pratique révolutionnaire", écrivait Lénine. On peut constater à quel point l'absence totale de culture politique du prolétariat aujourd'hui le conduit dans l'impasse absolue du vote de l'extrême droite. Cette abdication, la gauche en est largement responsable. C'est précisément en abandonnant les préoccupations "bassement matérielles" (faut vraiment pas avoir de problèmes de fric pour parler comme ça) et en se concentrant sur des problèmes de riches, les questions dites "sociétales" comme le "mariage pour tous" et autres problèmes n'ayant de liens qu'avec la subjectivité narcissique pathologique du petit bourgeois qui s'emmerde dans sa petite vie misérable de rabougri inutile, que la gauche s'est rendue insupportable aux yeux du prolétariat. La gauche libérale libertaire est donc le principal champ de force qui pousse le prolétariat dans les bras de l'extrême droite. Comme disaient les bolcheviques, "on élimine d'abord les traîtres, ensuite les ennemis !"

N'oublions pas que c'est suite au mandat de Hollande et de ses gouvernements "de gauche unie" que l'extrême droite est arrivée au second tour des présidentielles. N'oublions pas non plus que, déjà en 2002, à la fin du gouvernement Jospin, l'extrême droite arriva également au second tour. Et cette même gauche nous offre le triste spectacle de prétendre nous défendre de ce dont elle est la cause.

2. Points les plus critiques du programme 

Nous n'allons pas commenter le programme du NFP dans son intégralité ni dans l'ordre chronologique, mais dans l'ordre logique. En effet, certaines mesures pourraient susciter l'adhésion (comme les hausses de salaires et plus généralement l'amélioration du "service public"), mais étant en contradiction avec d'autres éléments, pour une critique éclairée il convient de mettre en relation les éléments contradictoires dont il a bien été pris soin d'éviter de les mettre à côté dans la brochure du NFP.

Le programme complet est disponible ici.

Le premier problème de ce programme, c'est qu'il est totalement incompatible avec l'appartenance à l'Union Européenne (UE). Pour exemple, la réforme des retraites de Macron a été commandée par les Grandes Orientations de Politique Économique (GOPÉ) émanant directement de la Commission Européenne, qui est en quelque sorte le Politburo dictatorial élu par personne qui prend les décisions pour les États. La non application des GOPÉ équivaut à des sanctions financières totalement dissuasives pour les États, dont ils ne peuvent échapper puisque leur monnaie dépend de la Banque Centrale Européenne (en tout cas c'est le cas de la France qui appartient à la zone Euro). Si les syndicats faisaient leur travail correctement, plutôt que d'être à la ramasse de l'agenda de leur ennemi gouvernemental, ils gagneraient un temps d'avance en mettant en avant la critique des GOPÉ avant même que le gouvernement n'annonce ses réformes qui n'en sont que des copiés-collés. Nous invitons nos lecteurs à se renseigner là-dessus et à aller lire régulièrement la publication des GOPÉ.

Le cas de Jean-Luc Mélangeons est particulièrement intéressant ; lorsque la critique de l'UE était à la mode il y a une petite décennie, il prétendait qu'arrivé au pouvoir, il sortirait de l'UE s'il ne parvenait pas à modifier les traités, c'était son fameux "plan B" du programme de la France Insoumise (FI) en 2017. Cette partie fondamentale du programme qui lui donnait un peu de consistance a mystérieusement disparu avant 2019 lorsqu'il s'agissait de séduire la petite bourgeoisie intellectuelle afin de gagner quelques sièges aux élections européennes. On n'en a alors plus jamais entendu parler. Quelques années à peine après leur échec aux élections de 2017, lorsqu'on reprochait aux militants de la FI d'être euro-sceptiques, ceux-ci baissaient lamentablement leur froc devant la médiacratie en avouant que "mais non, c'était une blague, on n'a jamais voulu sortir de l'UE", devenant ainsi tout-à-fait acceptables par le système capitaliste. La marchandise politique FI devint alors bfmtv-compatible, et Jean-Luc Mélangeons prouva une fois de plus qu'il n'était qu'une girouette opportuniste alignée dans le sens du vent politique du moment.

Tout militant un minimum renseigné sur l'UE sait que cette institution a été créé par et pour les capitalistes (lire à ce propos les ouvrages d'Annie Lacroix-Riz, par ex. aux origines du carcan européen). Le libre-échangisme est inscrit dans la constitution même de l'UE, et la modification des traités auxquels les États membres ont adhéré contient le modèle économique capitaliste qui nous a mené d'abord à la crise économique, puis la crise sociale, et enfin la crise politique actuelle dont l'extrême droite se présente démagogiquement comme une solution de sortie pour le prolétariat, mais est en réalité une solution pour le grand capital, comme cela s'est déjà produit à de nombreuses reprises dans l'histoire (l'exemple le plus emblématique est ce fameux peintre autrichien, "Monsieur Hitler" qui paraissait si respectable aux grands industriels français dans les années 30). 

Analysons le paragraphe le plus important du programme qui concerne l'Europe (en fin de programme pour que personne ne le lise évidemment, p. 22 et 23).

Refuser le pacte de stabilité budgétaire
• Proposer un pacte européen pour le climat et l’urgence sociale
• Proposer une réforme de la Politique agricole commune (PAC)
• Mettre fin aux traités de libre-échange
• Instaurer un protectionnisme écologique et social aux frontières de l’Europe
• Adopter un mécanisme d’harmonisation sociale par le haut entre les États pour mettre fin aux politiques de dumping social et fiscal
• Réindustrialiser l’Europe : numérique, industrie du médicament, énergie, etc.
• Instaurer une règle verte pour prioriser des investissements verts
• Taxer les plus riches au niveau européen pour augmenter les ressources propres du budget de l’Union européenne
• Généraliser de la taxation des superprofits au niveau européen
• Modifier le droit de la concurrence en Europe pour garantir le droit de monopole public au niveau national
• Passer au vote à la majorité qualifiée au conseil pour les questions fiscales

Conformément à ce que nos groupes ont voté à l’Assemblée nationale, nous refuserons, pour l’application de notre contrat de législature, le pacte budgétaire, le droit de la concurrence lorsqu’il remet en cause les services publics et nous rejetterons les traités de libre-échange.

Autant de vœux pieux. Ce programme a été rédigé comme si le gouvernement français pouvait donner des ordres à l'Union Européenne, alors que dans le droit européen et aussi dans la pratique concrète, c'est exactement le contraire qui a lieu. Ce programme est inapplicable dans le cadre de la constitution et des traités actuels de l'Union Européenne, et on a déjà eu de nombreux exemples où lorsque la gauche était au pouvoir, elle a tenté de négocier des modifications de traités et est revenue la queue entre les jambes et a immédiatement déclaré l'austérité (Mitterrand, le gouvernement Jospin, Hollande, Tsipras en Grèce...).
De plus, pour modifier ces traités capitalistes, il faut l'unanimité de tous les Etats membres. Si on prend ce programme au sérieux un instant (en faisant abstraction que ce sont des promesses démagogiques), il s'agit d'un véritable bouleversement des traités qui est proposé, et il est strictement impossible que l'unanimité des États membres n'accepte ces mesures -- condition nécessaire à la modification des traités, qui sont donc de fait inchangeables.

En vérité on pourrait s'arrêter là. Le programme de Mitterrand de 81 était déjà plus offensif que celui du nouveau front bobolétaire, avec les résultats que l'on sait (la rigueur, la destruction du PCF et la montée du FN). Il n'y a donc strictement rien à attendre du NFP, le pire scénario serait qu'ils arrivent au pouvoir ("heureusement", les risques sont faibles ; cependant les autres partis ne valent pas mieux).
Étant donné les circonstances actuelles des politiques libérales au pouvoir dans les autres États membres de l'UE, et étant donnée la Commission européenne actuelle, et si on imagine raisonnablement que l'esprit général des prochains GOPÉ va poursuivre la même direction que les précédents, il est totalement illusoire de croire que les 27 États-membres vont accepter les "propositions" du NFP de transformation de l'UE. Bien au contraire, on peut s'attendre avec certitude que le tout sera refusé en bloc, et l'éventuel premier ministre de gauche reviendra la queue entre les jambes comme tous les autres pour annoncer un plan de "restructuration", de "rigueur", etc.

"Changer l'europe", "faire l'europe sociale" sont des mensonges électoraux gauchistes qui ont déjà mené de nombreux pays à la catastrophe. Pour un programme communiste, revendiquer la sortie de l'UE, de l'Euro et de l'OTAN est un minimum vital nécessaire à partir duquel on peut commencer à réfléchir à de véritables actions -- évidemment, ces mesures sont absentes du programme du NFP.

3. Volet international

Ici on a affaire à un fantastique "en même temps". D'un côté, le NFP revendique le soutien à la Palestine et la critique de la politique sionniste (donc une certaine critique de la soumission à Washington), et de l'autre côté, on a ceci :

Défendre l’Ukraine et la paix sur le continent européen
Pour faire échec à la guerre d’agression de Vladimir Poutine, et qu’il réponde de ses crimes devant la justice internationale: défendre indéfectiblement la souveraineté et la liberté du peuple ukrainien ainsi que l’intégrité de ses frontières, par la livraison d’armes nécessaires, l’annulation de sa dette extérieure, la saisie des avoirs des oligarques qui contribuent à l’effort de guerre russe dans le cadre permis par le droit international, l’envoi de casques bleus pour sécuriser les centrales nucléaires, dans un contexte international de tensions et de guerre sur le continent européen et œuvrer au retour de la paix

Donc le NFP baisse son froc devant l'OTAN et s'aligne sous les ordres de Washington. Jusqu'ici on a rarement vu une situation où l'envoi d'armes contribuait à rétablir la paix, surtout lorsqu'on envoie ces armes à un camp dont la défaite est inéluctable. En outre, accuser le dirigeant de la première puissance nucléaire du monde de criminel n'est pas la stratégie la plus diplomate ni moins encore qualifiable de pacifiste. Mais le pire, c'est que ce paragraphe sous-entend une adhésion au récit atlantiste de la guerre en Ukraine, qui aurait prétendument commencé en 2022. C'est en vérité à partir de 2014 que l’État ukrainien a commencé à bombarder les régions rusophones de l'Ukraine, région dont la majorité de la population était russe avant l'éclatement de l'Union Soviétique en mille morceaux. Les naïfs ignorent (contrairement aux démagogues du NFP) que Poutine réalise une action très modérée par rapport à ce que revendique une grande partie du peuple russe (régions russophones de l'Ukraine incluses) : en particulier, le Parti Communiste Russe revendique l'intervention de la Russie depuis bien avant 2022 ! Et de très nombreux russes revendiquent une mobilisation générale de la Russie.

Une position raisonnable pour la France aurait été de ne pas prendre parti dans ce conflit, afin de pouvoir devenir un intermédiaire crédible pour les deux parties du conflit et proposer des négociations qui pourraient réellement amener à la paix. Bien au contraire, l'exportation des "valeurs morales" d'un pays à l'international est le meilleur moyen de déclencher une guerre ; en réalité, les guerres "pour les valeurs" n'ont rien de différent des croisades religieuses. Si les nombreux pays de l'OTAN n'avaient pas envoyé moult armes à l'Ukraine, la guerre serait finie depuis longtemps, les régions russophones auraient rejoint la Russie et l'Ukraine serait déjà en train d'être reconstruite et démilitarisée. En continuant de fournir des armes à l'Ukraine, non seulement le NFP ne se distingue pas d'un iota de la politique macronnienne, mais en plus refuse de faire un premier pas vers la paix. Quand le NFP prononce le mot "paix", il faut donc comprendre : extension de l'empire atlantiste sans résistance des États non alignés.

Le NFP veut donc poursuivre cette guerre indéfiniment jusqu'à ce que l'Europe soit détruite, ce qui fera un concurrent de moins à l'oncle Sam, très satisfait de cette affaire.

4. Les mesures illusoires en question

Il nous ment, il nous ment. S'il a l'air aussi sincère, c'est parce qu'il nous ment franchement.
(Fabulous Troubadors, Il nous ment)

De manière générale, dans ce programme, de très nombreuses promesses de services publics gratuits sont faites (cantines, transports, logements sociaux, etc) ; si l'on prend tout cela au sérieux, il faut donc s'attendre à une véritable diarrhée de pognon venant de l'État qui, sans contrepartie dans la production réelle, aggraverait considérablement l'inflation (sans même parler du fait que ces mesures seraient inapplicables, voir nos commentaires plus haut sur l'UE). Mais on ne trouve presque rien sur cette contrepartie productive dans le domaine industriel ou agricole à part des mesures très vagues. Voici l'essence de ces mesures :

• Engager un plan de reconstruction industrielle pour mettre fin à la dépendance de la France et de l’Europe dans les domaines stratégiques (semi-conducteurs, médicaments, technologies de pointe, voitures électriques, panneaux solaires, etc).

On peut déjà constater la désinvolture du "etc" qui trahit le manque de sérieux du NFP sur les considérations industrielles. Dans les domaines évoqués, nous avons déjà pris un retard considérable face à d'autres pays, n'investir que dans ces secteurs jusqu'à revenir à niveau prendrait de très nombreuses années avant qu'on puisse en récolter les fruits, en tout cas ce serait très insuffisant comme contrepartie productive à toute la création monétaire nécessaire aux autres réformes promises. Bien que, sur le principe, il ne soit pas absurde d'investir dans ces secteurs, il y a quelques domaines où nous sommes déjà des leaders mondiaux et où le programme est totalement silencieux : à commencer par l'énergie nucléaire ! Dans leur programme sur la production d'énergie, on trouve plein de trucs à la mode bien "écolos", mais rien sur l'énergie la plus rentable et qui ne produit quasiment pas de CO2. Rien sur l'industrialisation des processus d'optimisation de production déjà connus et qui permettraient de réduire considérablement les déchets nucléaires, et rien non plus sur la recherche sur la fusion nucléaire. Rien donc sur des investissements industriels absolument prioritaires pour affermir nos points forts tout en baissant les factures d'électricité de la population, ainsi que les coûts généraux de toute la production, ce qui permettrait de ralentir réellement l'inflation.

Le problème, c'est que par opportunisme et démagogie, le NFP est bien obligé de ne pas froisser les écolos anti-nucléaires (et donc anti-hausse des salaires, et donc finalement pas si éloignés du MEDEF). 

Rien non plus sur l'aviation alors qu'Airbus a un leadership mondial dans ce domaine et un pôle français très actif.

Sans développer nos points forts comme point d'appui pour le reste, il est totalement illusoire d'espérer développer l'industrie dans les secteurs où on a déjà du retard suffisamment rapidement pour contrebalancer monétairement les investissements publics promis.

Globalement, en plus d'avoir un plan industriel rédigé à l'arrache et sans cohérence globale, on ne trouve rien sur le financement de toute cette production, on peut donc s'attendre à des "investissements magiques" de types keynésiens, or on sait que ce type de financement est une bombe à retardement lorsqu'il n'y a pas de contrepartie productive à toute cette création de monnaie. Alors certes, le NFP promet de taxer le capital. Cependant, taxer le capital n'est pas du tout une mesure anti-capitaliste. En effet, si c'était le cas, cette mesure se contredirait dans sa logique même : s'il n'y avait plus de capital, alors il n'y aurait aucun fond à taxer pour financer le service public, et les caisses seraient vides !

Le fondement idéologique de la taxation des profits, c'est la répartition "plus juste" de la valeur produite entre le capital et le travail. Déjà, Marx répondait à ce genre de mesure stupide (critique du programme de Gotha, 1875) :

    Qu'est-ce que le « partage équitable » ?
    Les bourgeois ne soutiennent-ils pas que le partage actuel est « équitable » ? Et, en fait, sur la base du mode actuel de production, n'est-ce pas le seul partage « équitable » ? Les rapports économiques sont-ils réglés par des idées juridiques ou n'est-ce pas, à l'inverse, les rapports juridiques qui naissent des rapports économiques ? Les socialistes des sectes n'ont-ils pas, eux aussi, les conceptions les plus diverses de ce partage « équitable » ?

    [...]

    Je me suis particulièrement étendu sur le « produit intégral du travail », ainsi que sur le « droit égal », le « partage équitable », afin de montrer combien criminelle est l'entreprise de ceux qui, d'une part, veulent imposer derechef à notre Parti, comme des dogmes, des conceptions qui ont signifié quelque chose à une certaine époque, mais ne sont plus aujourd'hui qu'une phraséologie désuète, et d'autre part, faussent la conception réaliste inculquée à grand'peine au Parti, mais aujourd'hui bien enracinée en lui, et cela à l'aide des fariboles d'une idéologie juridique ou autre, si familières aux démocrates et aux socialistes français.

    Abstraction faite de ce qui vient d'être dit, c'était de toute façon une erreur que de faire tant de cas de ce qu'on nomme le partage, et de mettre sur lui l'accent.

    A toute époque, la répartition des objets de consommation n'est que la conséquence de la manière dont sont distribuées les conditions de la production elles-mêmes. Mais cette distribution est un caractère du mode de production lui-même. Le mode de production capitaliste, par exemple, consiste en ceci que les conditions matérielles de production sont attribuées aux non-travailleurs sous forme de propriété capitaliste et de propriété foncière, tandis que la masse ne possède que les conditions personnelles de production : la force de travail. Si les éléments de la production sont distribués de la sorte, la répartition actuelle des objets de consommation s'ensuit d'elle-même. Que les conditions matérielles de la production soient la propriété collective des travailleurs eux-mêmes, une répartition des objets de consommation différente de celle d'aujourd'hui s'ensuivra pareillement. Le socialisme vulgaire (et par lui, à son tour, une fraction de la démocratie) a hérité des économistes bourgeois l'habitude de considérer et de traiter la répartition comme une chose indépendante du mode de production et de représenter pour cette raison le socialisme comme tournant essentiellement autour de la répartition. Les rapports réels ayant été depuis longtemps élucidés, à quoi bon revenir en arrière ?

Les mesures économiques et sociales de ce programme, en plus de ne rien changer aux rapports de production capitalistes, sont donc inapplicables en pratique, et ne sont que de fausses promesses démagogiques pour attirer les naïfs de gauche dans les urnes. 

Un moyen communiste de financer l'investissement, c'est l'augmentation des cotisations sociales (donc l'augmentation du salaire socialisé), via l'augmentation du taux de toutes les cotisations déjà existantes, ainsi que la création de nouvelles cotisations pour créer des caisses d'investissements, qui pourraient être gérées par les travailleurs eux-mêmes en lien avec un commissariat au plan industriel. Cette mesure viendrait ponctionner directement la valeur produite pour la socialiser sans qu'elle ne passe par les portefeuilles des capitalistes. Quand on est communiste, on ne revendique pas de taxer le capital, on revendique de l'assécher en coupant son revenu en le prenant à la racine : au moment de la production de plus-value. Or, il se trouve que la seule mention d'augmentation des cotisations dans le programme est celle pour les caisses des retraites ; à part abroger la réforme des retraites, le NFP ne propose aucune manière réellement pérenne de financer ses réformes, en tout cas rien qui ne fasse vraiment peur à la bourgeoisie (on sait tous que les capitalistes sont les experts absolus de l'évasion fiscale), ni rien qui ne puisse financer les réformes promises.

Dans la section intitulée "l'été des bifurcations, les 100 premiers jours" -- ce qui nous amène donc à un petit tiers d'année, les promesses y seraient donc tenues d'ici début octobre si le NFP arrivait au pouvoir -- nous lisons tout un tas de promesses utopiques infaisables (cf. nos explications antérieures) dont l'unique but est de piéger l'électeur naïf. Évidemment, ces promesses arrivent au début du programme pour aguicher le chaland.
On peut se limiter à une seule d'entre elles : 

• Réduire les effectifs par classe pour faire mieux que la moyenne européenne de 19 élèves

Et ce dans les 100 premiers jours ! Donc le NFP nous affirme sans sourciller que d'ici début octobre, quasiment à la rentrée prochaine, les classes contiendront au plus 19 élèves!!!
 
Un tel mensonge est scandaleux quand on connaît les conditions de travail difficiles des professeurs aujourd'hui. Cela fait plusieurs années que l’État a du mal à recruter, que les classes sont surchargées à une trentaine d'élèves au collège et 35 élèves au lycée, et en 100 jours à peine, on promettrait donc quasiment de doubler l'effectif des professeurs ? À moins qu'on ne déscolarise quasiment la moitié des élèves...
Quelle démagogie ! On se moque du monde !

5. Que faire ?

Aujourd'hui en France, les partis politiques fonctionnent comme des entreprises avec un chiffre d'affaire et une comptabilité à maintenir dans le vert, dont les campagnes électorales constituent les campagnes publicitaires. Cette "union de la gauche" est le meilleur moyen pour tous ces partis qui se détestent mutuellement de maximiser leur nombre de sièges à l'Assemblée Nationale, et donc le pognon qu'ils recevront de l'État après les élections -- ce qui inclut non seulement des subventions mais aussi le remboursement des campagnes électorales. "Comme par hasard", alors que le RN était annoncé au second tour de l'élection présidentielle de 2022, les partis de gauche n'ont pas proposé leur union ! Tout simplement parce qu'en fonction des résultats à la présidentielle, il y a du pognon non partageable entre partis à se faire, donc chaque parti a objectivement intérêt à présenter son candidat. Le projet n'est donc pas politique, il est trivialement pécuniaire. Tout comme la NUPES aux législatives de 2022, le NFP éclatera aussitôt après les élections en différents groupes de ces différents partis.
On peut résumer toute cette mascarade du spectacle de la marchandise électorale à une maximisation du profit de ces entreprises capitalistes dont les électeurs sont les dindons de la farce.

De même, le RN, sentant le vent de la victoire souffler dans ses voiles, a renié toutes ses promesses alléchantes (abrogation de la réforme des retraites, pour ne citer que cela) pour éviter d'avoir à se justifier après les élections lorsqu'ils poursuivront les politiques libérales de leur clone Macron. Sur la face opposée de la même pièce, le NFP sachant qu'il va perdre, peut promettre n'importe quoi pour transformer son programme en énorme piège à cons dans le but de gagner le plus de sièges possibles, afin de s'assurer une défaite économiquement très confortable et en particulier payer tout un tas de branleurs de députés à brasser du vent en étant payés 6000€/mois. Leur stratégie immonde consiste à tirer sur les cordes affectives de leurs électeurs naïfs en créant un mélange émotionnel d'espérance illusoire et de peur du fascisme pourtant déjà là avec Macron le pétainiste et Darmanin le queutard.

Face à cette situation, quelle est la position des bipèdes ailés ? Plus généralement, quelle devrait être la position d'un authentique communiste lecteur de Marx ?

Notre réponse est : ABSTENTION! Les bipèdes ailés refusent de participer à ce sinistre spectacle de la marchandise électorale. Nous ne donnerons aucun crédit à aucun de ces partis qui sont tous les ennemis du prolétariat. Nous continuerons de fabriquer des oiseaux en papier avec nos cartes électorales!
 
 

 
Face à cette revendication, je vois déjà les endormis, qui usuellement, dans leur torpeur consommatoire de jouissance sans entrave et dans leur fausse vie misérable et narcissique aliénée par le capital, lors d'un rêve agité, croient se réveiller une fois tous les cinq ans pour aller accomplir leur devoir électoral, participant ainsi au rituel qui consacre leur soumission volontaire à la démocratie capitaliste. Ceux-là même viennent prêcher leur bonne morale une fois par quinquennat ; ces hordes de perroquets terrorisés crient toutes en chœur aujourd'hui: "il faut voter NFP! il faut voter NFP!" Mais nous autres n'avons aucune leçon de morale à recevoir de ces voteurs soumis.

Si, à ce stade de la lecture, vous objectez : "oui, mais alors que faire si en définitive, on ne va pas voter?" c'est que votre culture politique et militante est identique à celle d'un lapin de trois semaines -- ou, ce qui revient au même, d'un militant du PCF en 2024. Dans ce cas, à la question que faire, pour vous, nous répondons: apprendre, apprendre, apprendre. Vous en avez bien besoin!

Pour ce faire, plutôt que de vous lancer à corps perdu dans l'action aveugle en distribuant des tracts stupides pour aller voter NFP, il est pour vous plus que temps de vous abstenir de faire n'importe quoi, et au lieu de cela, lire, lire, lire. Voici donc un petit guide de lecture politique et philosophique pour vous déniaiser.
De rien.

Les bipèdes ailés

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