vendredi 19 août 2016

Interlude venteux

L'aigle plane et inspire lentement. Sa domination est totale.

Oui capitaine du navire de ton existence descriptive dans les flots courants sur la brèche de l'entrelats des grèves immergées du flux contenu et continu dans les soupapes à vide des abysses noires et profondes de tes pupilles.

L'aigle plane et expire lentement. Rien n'échappe à son œil céleste.

Au début des temps et des hommes, il n'y avait que le vide, sans aucune limite. Mais alors quelque chose surgit : le langage éloquent vêtu de pierres ardentes et fumantes, immense et terrifiant, il s'avança vers le vide et parla en ces termes : "je viens vous apporter la Logique et la Mémoire ! Ensemble, vous enfanterez la Connaissance !"

L'aigle plane et inspire lentement. Sa vision est globale mais aussi locale : depuis les cieux, son oeil inquisiteur repère le moindre minuscule rongeur, potentielle proie. Sa sagacité réussit la prouesse de cerner l'essentiel sans oublier le moindre détail.

Soudain apparut une langue géante et gluante. De ses amples mouvements, giclait une matière putride et menaçante. Il prit une décision : jamais plus il n'y aurait d'acords majeurs. Alors le monde devint source de pourriture cosmique, mort et naissance perpétuelles de toute vie.

L'aigle plane et expire lentement. Par d'amples grands cercles, il se décide.

Un titan aux boucles parfaites dévore la courbure de l'univers qui s'étend dans les hauts cieux brumeux. Les terres tordues étaient rougoyantes : moult ébénistes et jardiniers farouches et ardents caracollaient dans la foudre et la cendre. Lorsque le titan hurla, deux cent pluies trébuchantes et pataudes sanglottèrent en s'arrachant les yeux.

L'aigle lance son cri foudroyant, annonçant l'attaque. La proie est paralysée de terreur. Il pique. Il frappe. Il fait mouche. Il ne rate jamais.

La marche non ailée en forêt. L'odeur humide de la pourriture vermoulue de l'humus. La fraîcheur de l'herbe. La respiration des arbres. La marche rythme les pensées et leur donne de l'air. "Seules les pensées que l'on a en marchant valent quelque chose" (Nietzsche, le crépuscule des idoles).

Le crépuscule assombrit la vallée. L'aigle mange sereinement dans son nid en contemplant victorieusement le coucher du soleil.

Le voyageur immobile déterminé (VIDE) commença alors une veille infinie entrelacée (VIE). Le temps est la mort et la naissance perpétuelles du présent. Il faut mourir, pour renaître.

À présent que la nuit enveloppe l'espace, se réveille enfin l'ombre de l'aigle : le hibou, ouvre d'immenses yeux et veille.